LES
PRINCIPES

Toute personne dispose d’un droit égal à la protection, aux opportunités et au respect, y compris dans le domaine numérique.

L’article premier de la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’Homme stipule que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». C’est donc dire que tous les membres de la famille humaine disposent de droits égaux et que chaque personne doit être respectée, protégée et avoir la possibilité de réaliser ses intérêts et ses droits humains.

Les technologies et services numériques offrent aux groupes historiquement discriminés de nouvelles possibilités de surmonter les obstacles dominants sur le plan social, culturel, traditionnel et de la mobilité.

Pour autant, si notre identité numérique ne dispose pas des mêmes droits de l’Homme que notre identité physique, ceux-là mêmes qui subissent des formes intersectionnelles de discriminations et de préjugés dans le monde réel continueront d’être subjugués et privés de leurs droits humains au sein de l’écosystème numérique, et d’être soumis à des formes nouvelles et amplifiées de discrimination.

Il est impératif de sous-tendre les systèmes et processus par lesquels les services et technologies numériques sont développés, utilisés et réglementés de règles de non-discrimination et d’égalité, afin de garantir le maintien du respect universel de nos droits de l’Homme fondamentaux, y compris dans le monde numérique.

Les principes numériques :

• Toute personne est égale devant la loi et a droit à la protection égale de la loi, y compris dans le domaine numérique, son écosystème et le métavers.
• Toute personne a droit à une égale protection contre toutes les formes de discrimination, y compris, mais sans s’y limiter, la discrimination fondée sur le sexe (y compris les motifs liés à la grossesse, à l’accouchement, à l’identité de genre, au statut intersexué et à l’orientation sexuelle), la race, l’appartenance ethnique, la couleur, la classe sociale ou économique, le handicap, la religion (étant entendu que ces protections ne s’étendent pas à la défense ou à l’excuse de la discrimination à l’égard d’autrui fondée sur le sexe et/ou l’égalité de genre), la langue, l’opinion politique, l’origine nationale, l’ascendance, le statut de vétéran, les informations génétiques, l’état matrimonial et l’âge.
• Tels qu’ils sont envisagés dans le droit international et la législation nationale, les droits de l’Homme doivent être interprétés d’après une optique genrée et intersectionnelle pour qu’ils soient appliqués de manière égale et équitable dans le domaine numérique, afin de lutter contre les discriminations et inégalités numériques genrées.
• Des principes d’égalité dès la conception devraient être inclus au stade de la conception des systèmes de prise de décision algorithmique et des technologies numériques afin d’éviter d’amplifier ou de perpétuer les discriminations et des préjugés préjudiciables.

Everyone has a right to control information about themselves and to secure protection from digital harms.

Le droit à la vie privée sous-tend notre utilisation et notre jouissance d’autres droits de l’Homme. Il englobe le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, et le droit d’être protégé des atteintes à l’honneur ou à la réputation.

Dans le domaine du numérique, le droit à la vie privée n’est pas seulement le droit qu’on nous laisse en paix. Alors que de plus en plus de nos données à caractère personnel sont extraites et analysées afin d’éclairer et d’alimenter les décisions algorithmiques qui affectent le moindre aspect de notre vie, le droit à la vie privée concerne également la protection de nos droits à la justice, à la dignité et à l’autonomie.

La vie privée numérique est aussi une question de sécurité. Internet grouille de propos à des fins d’intimidation et de harcèlement, tandis que l’exploitation et les abus en ligne de femmes, de filles et d’enfants ont atteint des proportions sans précédent à l’échelle mondiale. Dans le même temps, on constate un usage croissant des technologies et services numériques dans le but de manipuler l’opinion et de réprimer les mouvements dissidents, y compris par le recours à des appareils intelligents de la part d’agresseurs domestiques afin de surveiller et de contrôler les déplacements des femmes de leur foyer.

Face au manque de reconnaissance et de caractère exécutoire du droit numérique à la vie privée, les femmes, les filles et d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées sont privés de protection, et de recours, contre les atteintes graves à leur carrière, à leur sécurité et à leur liberté sociale, ainsi qu’à leur dignité, à leur intégrité corporelle et à leur autonomie.

Les principes numériques :

• Toute personne a droit à la protection des données qui la concernent et d’être en mesure de comprendre, en termes très simples, comment ces données sont traitées.
• Nul ne peut faire l’objet d’ingérence arbitraire dans l’exercice de ce droit et toute limitation de ce droit doit être raisonnable, nécessaire, proportionnée et justifiable.
• Tout traitement de données doit être juste, licite et transparent, dans le respect des principes de traitement des données énoncés dans les normes et standards internationaux .
• Une attention particulière doit être accordée à la question structurelle des atteintes à la vie privée intime des femmes, des filles et des personnes de genres marginalisés.
• Toute personne a droit à une protection contre les formes débridées de surveillance, y compris sur le lieu de travail et dans le cadre de l’éducation et de la participation civique. Il est impératif que l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale ou biométrique soit réglementée, nécessaire et proportionnée.
• Toute personne a droit au chiffrement et à l’anonymat en ligne. La communication de données à des tiers, y compris à des organismes chargés de l’application de la loi et du secteur privé, doit se limiter à ce qui est raisonnable, nécessaire et proportionné.
• Chacun a le droit de contrôler son héritage numérique et de décider ce qu’il advient après sa mort des informations accessibles au public qui le concernent.
• Il incombe aux fournisseurs de services numériques des responsabilités qui vont au-delà de servir de simples relais de contenus générés par les utilisateurs, d’autant plus si ceux-ci donnent lieu à des discours haineux, à des incitations à causer du tort et/ou à l’exploitation et à l’abus de femmes, de filles et d’autres groupes discriminés et de personnes marginalisées.
• Les États sont tenus d’accepter l’obligation qui leur est dévolue de protéger les citoyens contre les actes en ligne d’abus, de misogynie et de crimes motivés par la haine, notamment par la conduite rapide d’enquêtes intergouvernementales et la défense du droit des victimes en vue d’obtenir des recours appropriés et globaux.
• La protection contre les abus devrait englober toutes les formes d’exploitation et d’abus sexuels en ligne, y compris le harcèlement sexuel, la traque furtive et la localisation, le contrôle coercitif, la traite sexuelle rendue possible par les technologies, la diffusion en direct d’abus sexuels, le matériel d’abus à caractère pédosexuel et les abus sexuels basés sur des images, y compris par le biais de vidéos pornographiques falsifiées (« deepfakes »).

Toute personne a le droit d’exercer son droit à l’autodétermination dans le cadre de l’utilisation des technologies numériques.

Le droit à l’autodétermination fait référence à la capacité de chacun d’exercer pleinement son libre arbitre dans le choix de sa destinée, notamment en étant libre de déterminer son statut politique et de poursuivre son développement économique, social et culturel.

Les technologies numériques peuvent être utilisées non seulement pour surveiller et catégoriser, mais aussi pour exercer de l’influence. Des quantités phénoménales de données numériques sont utilisées pour entraîner des modèles qui contiennent les mêmes préjugés que ceux qui existent dans le monde réel, notamment ceux basés sur la race, le sexe et le statut socio-économique. Alors qu’il est fait de plus en plus recours à des technologies prédictives afin de sous-tendre la création des politiques publiques concernant les modalités d’accessibilité et d’attribution des services et ressources publics, de tels biais peuvent entraver la liberté de choix des gens et nuire à leur capacité de prendre leurs propres décisions.

Si les données historiques peuvent être utiles, par exemple, pour repérer et comprendre plus facilement les tendances concernant les problèmes sociaux émergents et les crises en temps réel, elles ne sont pas neutres. Les données représentent la société telle qu’elle est, avec ses différentes strates d’inégalités sociales et de discriminations. Si elles sont utilisées sans discernement et sans contrôle, elles perpétuent l’oppression existante et laissent les gens – en particulier les femmes, les filles et d’autres groupes discriminés et marginalisés – moins capables de choisir leur destinée, de la remettre en question ou d’en changer le cours. L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique peuvent également exagérer les préjugés existants et ajouter ainsi une dose supplémentaire de discrimination et de préjudices.

Les principes numériques :

• Toute personne a le droit de ne pas être traitée de manière injuste et de ne pas souffrir de discriminations, et de ne pas se voir privée de ses droits de manière disproportionnée, en raison de décisions automatisées prises à son sujet sur la seule base de données collectées ou déduites d’après son empreinte numérique.
• Toute personne, y compris les femmes, les filles et les autres groupes discriminés et personnes marginalisées, devrait être en mesure d’exercer son droit à l’autodétermination à l’ère numérique.
• Toute personne a droit à la représentation complète et à jour de son identité sur Internet.
• Des mesures et garanties préventives devraient être mises en œuvre pour empêcher la prise de décisions injustes, partiales et arbitraires à l’égard d’une personne et des efforts réels de transparence devraient être déployés quant aux critères utilisés pour la prise de décisions.
• Une présomption de biais algorithmique devrait être envisagée afin de mieux arbitrer la charge de la preuve et d’encourager l’adoption d’outils et de contrôles d’atténuation des biais.
• Aucune décision judiciaire ou administrative susceptible d’avoir de lourdes répercussions sur une personne ne devrait être prise sur la seule base du traitement automatisé de données à caractère personnel et autres qui ont été collectées afin d’établir le profil ou la personnalité de cette personne.
• Les principes d’égalité dès la conception, y compris les évaluations de l’impact sur les droits de l’Homme et les droits du genre, doivent faire partie intégrante du développement de tout système de prise de décision algorithmique ou de toute technologie numérique avant sa commercialisation, afin d’éviter d’amplifier et/ou de perpétuer des discriminations et des préjugés nuisibles.

• Les déductions générées par le big data devraient être limitées pour préserver l’autonomie de choix et la liberté des personnes. Des informations sensibles ne doivent pas être utilisées au détriment de la personne, ni dans le but d’en déduire des informations personnelles, y compris sur sa religion ou son orientation sexuelle.

Toute personne a le droit d’accéder au monde numérique et d’être libre de participer à la vie numérique.

La pleine réalisation du potentiel humain passe forcément par les droits universels à l’éducation, à la liberté d’expression et d’information, à la liberté de réunion et d’association, ainsi qu’à la pleine participation et à la pleine jouissance de la vie économique, sociale, culturelle, civique et politique.

Afin de participer pleinement au monde moderne, toute personne doit jouir d’un accès égal à Internet et aux technologies numériques. Or, quelque 3,7 milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, ne bénéficient pas d’un tel accès. Les personnes vivant dans des zones reculees et rurales sont moins susceptibles d’utiliser l’Internet que celles vivant dans des zones plus urbaines, et les personnes qui souffrent d’inégalités intersectionnelles sont plus susceptibles d’être exclues de l’utilisation des technologies et services numériques.

Il s’agit d’un problème qui touche particulièrement les femmes, les filles et d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées, qui sont plus vulnérables au contrôle coercitif et à des relations de pouvoir inégales. En moyenne, l’accès des femmes aux technologies numériques et mobiles s’élève à environ 85 % du niveau des hommes, alors que partout dans le monde, environ 327 millions de femmes de moins que d’hommes possèdent un smartphone et ont accès à l’Internet mobile.

La capacité d’évoluer librement dans le monde numérique est entravée par des facteurs tels que la misogynie, les discours haineux, le vol d’identité, la diffamation, l’exploitation sexuelle et le harcèlement en ligne, qui tous affectent de manière disproportionnée les femmes, les filles et d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées.

Les principes numériques :

• Toute personne a le droit de participer au monde numérique et d’accéder, quelle que soit sa situation géographique, à des services Internet et technologies numériques universellement disponibles à un prix abordable.
• Les États devraient adopter des politiques qui visent à promouvoir l’universalité et l’égalité de l’accès à Internet, notamment en reconnaissant et en luttant contre les inégalités sexospécifiques et intersectionnelles existantes.
• Les États devraient adopter des politiques qui interdisent le ralentissement et/ou la coupure arbitraires et délibérés d’Internet pour quelque motif que ce soit, y compris pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale.
• Les interfaces, le contenu et les applications doivent être conçus de manière inclusive afin d’en assurer l’accessibilité pour tous, y compris les personnes souffrant de handicaps physiques, sensoriels ou cognitifs, celles non alphabétisées et celles qui parlent des langues minoritaires. Il est impératif de promouvoir et de soutenir le principe de la conception inclusive et de l’utilisation de technologies d’assistance afin de permettre aux personnes handicapées d’en bénéficier pleinement et sur un pied d’égalité.

Toute personne a droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association en ligne.

Le droit à la liberté d’expression et d’association sous-tend la liberté de chercher, de recevoir et de relayer des informations et de s’associer librement à des fins sociales, politiques, culturelles ou autres. Il se rattache également aux droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Les activités en ligne sont considérées comme des expressions et sont de ce fait protégées par les droits existants à la liberté d’expression et d’association. Or ce droit est fréquemment bafoué, tant par les pouvoirs publics que par les entreprises privées, pour de prétendues raisons de sécurité nationale et/ou par des politiques et pratiques inégalement appliquées de modération des contenus en ligne.

Certaines formes d’expression en ligne sont bel et bien préjudiciables : le harcèlement ou la traque furtive, l’incitation à la violence contre autrui en raison de sa race, de sa religion ou de son genre, la production ou la distribution de discours haineux et de mésinformation/désinformation. Toutefois la violation mal définie et non contrôlée du droit à la liberté d’expression a créé une culture de censure dans laquelle la dissidence politique peut être réprimée et la voix des victimes et des survivants peut être réduite au silence.

Face à ces complexités, des mécanismes doivent être mis en place pour assurer l’application intersectionnelle et informée par les féministes du droit à la liberté d’expression et d’association dans le domaine numérique, et faire en sorte que toute limitation de ce droit soit nécessaire, proportionnée et justifiable.

Le droit à la liberté d’expression numérique revêt une importance particulière pour les femmes et les filles, qui sont fréquemment confrontées à la violence basée sur le genre et au cyberharcèlement, notamment par des abus sexuels reposant sur des images intimes destinés à les réduire au silence, à la honte et à l’oppression. Sont aussi concernés les personnalités politiques, les journalistes et d’autres travailleurs de la communication qui contribuent au débat public sur Internet. Faute d’une protection adéquate, toutes les femmes risquent d’être exclues de la pleine et égale participation en ligne.

Les principes numériques :

• Toute personne a le droit de ne pas être inquiétée pour ses opinions, sans considération de frontières.
• Toute personne a le droit de chercher, de recevoir et de diffuser librement des informations inoffensives non assimilables à l’exploitation, par tout moyen, y compris sur Internet, sans censure ni autre ingérence arbitraire de l’État, d’acteurs non étatiques et d’acteurs privés.
• Toute personne a le droit de s’associer librement, y compris sur Internet, à des fins sociales, politiques, culturelles ou autres.
• Internet et les technologies numériques doivent être protégés contre toute tentative de réduire au silence les femmes, les filles et d’autres personnes issues de groupes discriminés.
• Toute restriction au droit à la liberté d’expression et d’association doit être prévue par la loi et être nécessaire, proportionnée et justifiable dans une société démocratique.

Toute personne a le droit de bénéficier de réseaux et de technologies numériques sûrs, stables et résilients.

Le droit international en vigueur des droits de l’Homme exige que chacun ait droit, dans des conditions d’égalité, à la protection et à la liberté personnelles et sociales, à la protection contre l’exploitation et la surveillance et à un ordre social et international qui permette de maintenir et d’améliorer la qualité de vie.

En tant que ressource publique mondiale, Internet devrait être un réseau fiable et digne de confiance pour tous. Or souvent, la sécurité d’Internet et d’autres réseaux numériques est mise à mal par la surveillance, le contrôle et l’interception illicites des activités ou communications en ligne à caractère privé des internautes, que ce soit à des fins personnelles ou commerciales ou pour réprimer la dissidence politique.

Des réseaux numériques sûrs, stables et résilients assurent la sécurité des personnes et protègent leurs droits numériques en permettant à chacun : autant les enfants que les enseignants, les journalistes que les lanceurs d’alerte, de s’exprimer en toute légalité et d’accéder aux informations en ligne sans crainte de représailles. Dans la mesure où le monde numérique transcende à la fois les frontières nationales et juridictionnelles, la réalisation de cette stabilité nécessite une collaboration entre les représentants des secteurs public, privé et civil. Elle exige également une protection contre les services et les protocoles qui menacent la sécurité et contre les abus de données et d’identités.

Les craintes concernant la sûreté et la sécurité numériques empêchent de manière disproportionnée les femmes, les filles et d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées d’accéder à Internet et d’en profiter. Ces craintes, à leur tour, limitent leur capacité à réaliser leurs droits et à s’engager dans l’économie numérique.

Les principes numériques :

• Toute personne a le droit à un Internet sûr, stable et résilient.
• Les droits à la liberté et à la sécurité doivent impérativement être respectés, protégés et réalisés en ligne et par l’utilisation des technologies numériques.
• Ces droits ne doivent pas être bafoués ni utilisés pour enfreindre d’autres droits, dans le cyberespace ou au moyen des technologies numériques.
• La sécurité du réseau doit être garantie dans l’intérêt public, en assurant l’intégrité et la protection de l’infrastructure contre les attaques extérieures et dans l’intérêt des individus.
• L’inviolabilité des technologies numériques doit être maintenue. Les systèmes et appareils informatiques de toute personne ainsi que la liberté et la confidentialité de ses informations et communications électroniques sont inviolables. Toutes exceptions et limitations ne devraient être exercées que si elles sont indispensables et proportionnées.

Toute personne a le droit d’utiliser la langue de son choix pour créer et partager des informations numériques.

La diversité linguistique et culturelle contribue à l’enrichissement de la société. Tous les individus et toutes les communautés ont le droit d’utiliser leur propre langue, ou la langue de leur choix, pour créer, partager et échanger des informations et des connaissances sans être exposés à des préjudices.

À mesure que l’omniprésence du numérique s’accroît, l’absence de diversité linguistique et culturelle dans le cyberespace devient de plus en plus manifeste. Les langues minoritaires sont souvent exclues des contextes numériques au profit de langues euro centrées comme l’anglais. En attendant, les logiciels et les applications sont essentiellement développés pour la soi-disant majorité, ce qui limite la modération des contenus en ligne dans d’autres langues et expose d’autant plus les locuteurs de ces langues à des préjudices en ligne.

L’accessibilité à Internet ne se résume pas seulement à l’accès à un appareil et à une connexion sans fil. Or, il n’existe actuellement aucune obligation que les plateformes et services numériques mondiaux reflètent la diversité linguistique et culturelle qui existe dans le monde réel. Alors que certaines langues, comme l’hindi (Inde) et le mandarin (Chine), sont de plus en plus dominantes et représentées tant dans le contexte social que numérique, d’autres langues qui dominent l’espace physique, comme le swahili (Afrique de l’Est) et le yoruba (Nigéria), restent notoirement sous-représentées en ligne.

Pourtant, l’activisme féministe nous montre que la capacité de parler sa langue est essentielle pour chercher refuge et rompre l’isolement. Il est donc crucial de ne pas reproduire dans le monde numérique l’effacement des langues et des cultures des groupes marginalisés qui se produit dans le monde réel.

Les principes numériques :

• Toute personne a le droit d’accéder à des connaissances et informations culturelles et linguistiques diversifiées dans un format accessible, lorsqu’il est raisonnablement possible de le faire.
• Les innovations techniques et en matière de politiques publiques devraient être encouragées pour faciliter la diversité, l’accessibilité et la pluralité de la culture sur Internet et dans le cyberespace.
• Les administrations nationales, régionales et locales, les gouvernements et les organisations internationales financées par des fonds publics doivent impérativement faire preuve de transparence et de redevabilité en mettant dans le domaine public toutes les informations pertinentes pour le public qu’ils produisent et qu’ils gèrent.
• Il leur appartient de faire en sorte que ces informations soient diffusées et mises à disposition sur Internet et dans le cyberespace en utilisant des formats compatibles et ouverts et qu’elles soient accessibles aux personnes ayant des difficultés d’accès particulières, telles que les personnes handicapées, celles qui utilisent des ordinateurs et des appareils mobiles plus anciens ou qui disposent de connexions Internet lentes.
• Les technologies numériques et Internet devraient refléter et respecter la diversité linguistique et culturelle du monde.
• Les développements technologiques doivent encourager la diversité linguistique sur Internet et simplifier l’échange d’informations par-delà des barrières linguistiques.

Toute personne a un droit égal de bénéficier du développement et de l’utilisation de la technologie numérique.

Toute personne, où qu’elle se trouve dans le monde, est égale devant la loi. Nous disposons tous d’un droit égal de contribuer au développement de notre société commune et d’en bénéficier, et nous avons tous droit, sans discrimination aucune, à une égale protection et à une égale jouissance de nos droits de l’Homme.

Le monde numérique est devenu à tel point incontournable qu’il est quasiment indissociable du monde réel. Tant et si bien qu’il est indispensable de faire reposer l’architecture et le développement des réseaux, technologies et services numériques sur des normes contraignantes et universelles qui adoptent une approche fondée sur les droits de l’Homme.

À l’heure actuelle, Internet et les technologies numériques sont principalement réglementés et régis par des normes industrielles et des codes volontaires sous l’impulsion du secteur privé, qui manquent de transparence, de cohérence et de supervision officielle de la part des pouvoirs publics. La concurrence malsaine qui en découle se traduit par une protection inégale et inadéquate des droits des internautes, aggravée par l’incapacité des cadres actuels de demander des comptes aux fournisseurs et plateformes de services numériques quant aux contenus illégaux ou préjudiciables générés par des utilisateurs qu’ils diffusent. Il en résulte de graves atteintes à la sécurité, à la liberté et à la dignité des femmes, des filles et d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées, qui sont régulièrement victimes d’exploitation, d’abus et de harcèlement en ligne par des auteurs qui agissent en toute impunité.

De même, faute de réglementation, ce sont les femmes, les filles et les communautés autochtones qui ressentent de manière disproportionnée les inévitables retombées environnementales de la construction et du maintien de l’infrastructure numérique et de l’extraction des ressources naturelles destinées aux technologies numériques. Il est indispensable de se doter d’un nouveau cadre réglementaire qui précise et oriente le comportement et la responsabilité attendus des entreprises de technologie numérique. Il est impératif que ce cadre soit ancré dans une analyse féministe intersectionnelle et qu’il soit élaboré aux côtés des femmes, des filles et d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées, pour veiller à ce que leurs besoins soient satisfaits au lieu de codifier les inégalités dans les bonnes pratiques et la conformité réglementaire.

Les principes numériques :

• Les technologies et l’architecture numériques doivent être fondées sur des normes contraignantes et ouvertes qui garantissent l’inclusion et l’égalité des chances pour tous. Les contenus créés et partagés sur Internet ou les réseaux numériques sont modérés sur la base des principes des droits de l’Homme. Les États doivent obliger les entreprises technologiques, les entreprises qui développent des technologies numériques et les fournisseurs de services numériques et Internet à adopter des approches fondées sur les droits de l’Homme dans l’élaboration de leurs politiques et pratiques de modération de contenus.
• L’architecture, les systèmes de communication et les formats de documents et données d’Internet sont fondés sur des normes ouvertes qui garantissent l’interopérabilité, l’universalité, l’intégrité, l’ouverture, l’inclusion et l’égalité des chances pour tous.
• Les organismes notifiés et les comités nationaux devraient répondre à des objectifs de diversité en matière de représentation, avec le soutien des pouvoirs publics, et ils devraient mettre en place des processus et des fonds permettant une plus large participation des parties prenantes.
• Les organismes notifiés et les comités nationaux devraient répondre à des objectifs de diversité en matière de représentation, avec le soutien des pouvoirs publics, et ils devraient mettre en place des processus et des fonds permettant une plus large participation des parties prenantes.
• Les États devraient prendre des mesures afin de réduire au minimum la consommation énergétique d’Internet et des technologies numériques, ainsi que les dommages résultant de l’extraction de ressources naturelles pour alimenter les nouvelles technologies.

Toute personne a droit au contrôle multilatéral et démocratique d’Internet et des technologies numériques.

Dans une société démocratique, chaque citoyen a le droit de vivre et d’être gouverné dans le cadre d’un système national et international transparent et a le droit de jouir de la liberté d’accès et de participation à la vie publique.

Internet a été créé dans la vision utopique d’une société accessible et inclusive, que tout individu au monde pourrait habiter démocratiquement. Or des décennies plus tard, la réalité est tout autre : les intérêts commerciaux priment et, loin d’être un espace de liberté, Internet est devenu une source de misogynie, de violence et de haine. Le développement incontrôlé des technologies et réseaux numériques a nui aux femmes, aux filles et à d’autres groupes discriminés et personnes marginalisées.

Le moment est venu de doter le cyberespace de nouvelles formes de gouvernance et de participation contraignantes afin de garantir une meilleure protection de nos droits et libertés tant en matière de sécurité que de protection de la vie privée, et de fournir un accès plus efficace aux recours en cas de violation. Il est indispensable de faire appel à la contribution des gouvernements, des entreprises technologiques, des organisations de défense des droits de l’Homme, des acteurs de la société civile et des victimes/survivants afin de défendre et d’étendre les droits de l’Homme dans toute la mesure du possible.

Les principes numériques :

• La gouvernance d’Internet devrait être multilatérale, transparente et démocratique, avec la pleine participation de toutes les parties prenantes concernées, y compris les pouvoirs publics, le secteur privé, la société civile et les personnes les plus pénalisées, y compris les femmes, les filles et les autres groupes discriminés et personnes marginalisées.
• Tous les processus décisionnels liés à la gouvernance et au développement de l’espace numérique devraient être ouverts et accessibles aux niveaux international, régional et national.
• Les normes internationales relatives aux droits de l’Homme, la primauté du droit et de la justice sociale doivent impérativement constituer les fondements juridiques et normatifs sur lesquels Internet est exploité, régi et réglementé.
• Il est indispensable qu’il existe un recours en cas d’ingérence illégale et de violations des droits de l’Homme dans la sphère numérique. Celui-ci se produira de manière transparente et multilatérale, sur la base de principes d’ouverture, de participation inclusive et de redevabilité.